Sanctions du harcèlement moral dans la fonction publique : entre impératif légal et devoir moral
Le harcèlement moral constitue une atteinte sévère à la santé psychologique et aux conditions de travail. Étant donné son impact, la nécessité de définir et de sanctionner avec précision ces agissements est impérative. Dans la fonction publique, la protection contre le harcèlement moral est assurée par des dispositions légales spécifiques qui mettent en lumière la rigueur et la gravité des sanctions encourues par les auteurs.
L’incrimination pénale comme sanction du harcèlement moral dans la fonction publique
L’ article 222-33-2 du Code pénal caractérise le harcèlement moral et prévoit des sanctions allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
L’article 222-33-2 du code pénal définit le harcèlement moral comme :
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Cette sévérité témoigne de la volonté du législateur de punir fermement les comportements nuisant à l’intégrité psychique des travailleurs.
Le regard du statut général de la fonction publique sur le harcèlement moral
Le Code de la fonction publique, à travers les articles L133-2 et L133-3, réaffirme l’interdiction du harcèlement moral et stipule les mesures de protection à l’égard des agents publics, démontrant l’importance accordée au bien-être des fonctionnaires.
En savoir plus sur la qualification du harcèlement dans la fonction publique.
« Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.«
L133-2 du CGFP
« Aucun agent public ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l’article L. 135-4 pour avoir :
1° Subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés à l’article L. 133-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article L. 133-1, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou de harcèlement moral mentionnés à l’article L. 133-2 ;
2° Formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ;
3° De bonne foi, relaté ou témoigné de tels faits.
Dans les cas prévus aux 1° à 3° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues aux I et III de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.«
Article L133-3 CGFP
« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un agent public en prenant en considération le fait :
1° Qu’il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés aux articles L. 131-1, L. 131-2 et L. 131-3 ;
2° Qu’il a formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ;
3° Ou bien qu’il a témoigné d’agissements contraires à ces principes ou qu’il les a relatés.
Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent public ayant procédé ou enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus.Ce texte est également applicable au cas des agents contractuels, qu’ils soient bénéficiaires d’un CDD ou d’un CDI. »
Article L 131-12 CGFP
Panorama des sanctions encourues par les auteurs de harcèlement moral dans la fonction publique
Sanctions administratives et disciplinaires en cas de harcèlement moral dans la fonction publique
Le harcèlement moral est constitutif d’une faute disciplinaire exposant son auteur à une sanction disciplinaire.
L’auteur du harcèlement encourt des sanctions importantes, comme par exemples :
- Exclusion temporaire de 2 ans pour un agent ayant tenu des propos humiliants et à caractère misogyne : CAA Versailles, 19 février 2015, n° 03VE03486
- Exclusion temporaire de 2 ans pour la directrice d’une bibliothèque intercommunale ayant, malgré des avertissements, maintenu un climat de grave tension dans ses services : CAA Nancy, 25 février 2016, Mme B., n° 13NC00879
- Mise à la retraite d’office pour un directeur général des services ayant « envoyé à de nombreuses reprises à son assistante des courriers électroniques anonymes constitutifs d’un harcèlement pour obtention de faveurs sexuelles et de harcèlement moral : CAA Bordeaux, 8 juillet 2007, M. X., n° 06BX00317
- Révocation pour un chef de service coupable « d’attitudes méprisantes, dévalorisantes et douteuses particulièrement à l’encontre du personnel féminin » : CAA Bordeaux, 24 mars 2009,M. X., n° 08BX01506.
Ainsi une faute disciplinaire peut mener à des sanctions variées comme l’exclusion temporaire de fonctions ou même la révocation, exprimant ainsi la non-tolérance face aux atteintes à la dignité.
En savoir plus sur les sanctions disciplinaires.
La faute personnelle : une responsabilité individuelle distincte
Le harcèlement moral peut être considéré comme une faute personnelle détachable des fonctions, ce qui induit des conséquences importantes sur la responsabilité civile de l’auteur.
L’article 222-33-2 précité du code pénal prévoit la possibilité d’infliger des peines d’amende voire même d’emprisonnement à l’auteur du harcèlement moral.
Constitue un harcèlement moral le fait d’avoir refusé de fournir à son salarié, de façon prolongée, du travail, ou de ne lui avoir proposé que des tâches sous- qualifiées, « dont il est résulté une véritable mise au placard, ayant entraîné chez lui une altération de la santé physique ou mentale » (Cour de cass., 21 juin 2005, n° 04-86936). Dans cette affaire 1 000 € d’amende pour un maire coupable de harcèlement moral envers sa secrétaire de mairie.
De même a été jugé comme constituant du harcèlement moral le fait de faire travailler une personne dans un local exigu et dépourvu de matériel efficace et lui avoir confié des tâches subalternes, dévalorisantes, humiliantes et vexatoires : l’auteur du harcèlement a été condamné à 8 000 € d’amende (CA Chambéry, 15 mars 2007).
Mesures de prévention et réponses aux faits de harcèlement
La prévention : un impératif pour les administrations
La mise en œuvre de programmes de formation et de sensibilisation aux risques du harcèlement moral aspire à mettre en place un environnement de travail respectueux et à prévenir les cas de transgression.
Des actions correctives pour une réaction rapide et juste
Le soutien offert aux victimes et la prise de sanctions disciplinaires en réaction à des cas avérés de harcèlement moral constituent des preuves concrètes de l’engagement des administrations en faveur de la justice et de la santé morale de leurs agents.
Les voies de recours pour les victimes de harcèlement
a. Les procédures de signalement internes
L’Inspection générale et d’autres organes de contrôle interne sont des recours précieux pour les agents qui souhaitent signaler des situations de harcèlement moral.
b. Les recours juridiques externes
En cas d’impossibilité de résoudre la situation en interne, les agents sont en droit de saisir les juridictions compétentes pour faire reconnaître leur préjudice et mettre fin aux agissements subis.
Conclusion : le devoir de protéger la dignité dans la fonction publique
L’ensemble des dispositions légales et réglementaires concernant les sanctions du harcèlement moral dans la fonction publique illustre la détermination de l’État à offrir un cadre de travail où le respect et la santé psychique de chaque agent sont garantis. Ces mesures répressives et préventives sont essentielles pour bâtir une administration publique performante, éthique et exempte de tout comportement délétère.
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