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Procédure disciplinaire : droit de se taire

La jurisprudence récente rappelle l’obligation pour l’autorité disciplinaire, dans le cadre de la procédure disciplinaire infligé à un fonctionnaire, de notifier à l’agent le droit de se taire.

Ainsi dans le cadre d’une procédure disciplinaire il sera impératif pour les collectivités de rappeler ce droit

En effet la cour administrative d’appel de Paris rappelle dans un arrêt du 2 avril 2024 cette obligation de notifier au fonctionnaire le droit de se taire dans la procédure disciplinaire.

Le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas été informé du droit qu’il avait de se taire lors de la procédure disciplinaire.

Dès lors, il est fondé à soutenir que, du fait de la privation de cette garantie, la sanction disciplinaire litigieuse est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et doit être annulée (CAA Paris, 2 avril 2024, M. A., n° 22PA03578).

Une consécration du droit de se taire dans la procédure disciplinaire : analyse de la décision du 2 avril 2024

Après le conseil constitutionnel, la cour administrative d’appel est venue rappeler cette obligation de notifier à l’agent le droit de se taire dans une procédure disciplinaire.

Cette dernière se fonde sur l’article 9 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, elle rappelle que :

« Aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :  » Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi « . Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.« 

Elle ajoute que :

L’agent « n’a pas été informé du droit qu’il avait de se taire lors de la procédure disciplinaire. Dès lors, M. A… est fondé à soutenir que, du fait de la privation de cette garantie, la sanction disciplinaire litigieuse est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et doit être annulée. ».

Ainsi l’agent doit être informé du droit de se taire durant la procédure disciplinaire.

 Le juge administratif annule la sanction prise contre un fonctionnaire en méconnaissance de son droit de garder le silence en matière disciplinaire. 

La cour s’inspire ici d’une décision récente du conseil constitutionnel.

En effet le Conseil constitutionnel avait récemment élargi le champ d’application du droit au silence au-delà de la procédure pénale « à toute sanction ayant le caractère d’une punition, y compris dans les procédures disciplinaires » (Décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023). Les Sages ont retenu que « le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne [peut] être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».

Bien que le Conseil d’Etat ne se soit pas prononcé sur ce point, il est désormais vivement conseillé aux employeurs publics de notifier à l’agent poursuivi le droit de se taire dès le courrier l’informant de l’ouverture de la procédure disciplinaire

En pratique comment respecter cette obligation de notifier à l’agent le droit de se taire dans une procédure disciplinaire ?

Il est fortement recommandé, lors de l’information de l’agent de l’ouverture d’une procédure à son encontre, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre récépissé, d’informer l’agent, le fonctionnaire de la possibilité de se taire.

Ainsi le courrier envoyé par LRAR doit impérativement comporter l’indication qu’il a le droit de se taire.

Quels sont les autres droits dont bénéficie l’agent et qui doivent impérativement être notifiés ?

L’article 4 du décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire précise quels éléments doivent être transmis à l’agent :

« L’autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l’intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu’il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l’autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix.

L’intéressé doit disposer d’un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés.

A sa demande, une copie de tout ou partie de son dossier est communiqué à l’agent dans les conditions prévues par l’article 14 du décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique. »

Ainsi en conclusion il faudra donc mentionner dans ce courrier les éléments suivants :

  • L’agent doit être informé dés l’ouverture de la procédure disciplinaire de l’indication des faits reprochés ;
  • La volonté de prononcer une sanction disciplinaire ;
  • La faculté et le délai permettant à l’agent de prendre connaissance de son dossier individuel et de tous les documents annexes au siège de la collectivité (avec les modalités de consultation prise de rendez-vous, horaires particuliers, etc.).
  • L’intéressé doit disposer d’un délai suffisant pour le consulter et organiser sa défense ;
  • La possibilité pour l’agent de se faire assister par le ou les conseil(s) de son choix ;
  • Le droit de se taire.

Enfin en cas de conseil de saisine du conseil de discipline ( pour les sanctions les plus graves) il conviendra de respecter les garanties afférentes à cette saisine :

  • Le rapport disciplinaire doit être saisi transmis à l’agent ;
  • L’agent doit être saisi 15 jours avant ;
  • L’agent doit être mis en possibilité de consulter l’ensemble des pièces du dossier ;
  • L’agent doit pouvoir être assisté par le défenseur de son choix ;
  • Il doit avoir la possibilité de présenter ses observations écrites et/ou orales.

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